Acadie d’hier à aujourd’hui

La section suivante offre un survol de plus de 400 ans d’histoire de l’Acadie, depuis les temps de la colonisation jusqu’à l’époque contemporaine. Elle vous invite à découvrir les événements qui ont marqué l’implantation et l’essor de cette première colonie française d’Amérique. Vous y suivrez l’évolution du peuple acadien qui a pris racine dans l’actuelle péninsule néo-écossaise et qui a été disséminé aux quatre coins du Canada atlantique et au-delà. Vous constaterez que s’il n’existe plus de territoire politique proprement acadien, il se trouve encore de nombreuses communautés acadiennes. Elles forment une collectivité tout à fait originale, vibrante et dynamique, qui est bien présente sur les scènes économique, politique, artistique et culturelle.


Un territoire déjà connu

Au XVIe siècle, des pêcheurs européens sont venus pêcher la morue sur les côtes de Terre-Neuve. Ces pêcheurs, originaires de la Bretagne, de la Normandie et du Pays Basque sesont familiariséspeu à peu avec le golfe du Saint-Laurent, ses îles et les côtes du Nouveau-Brunswick.

Désireuse de s’assurer la possession de territoires dans le Nouveau Monde, la France y envoie en 1524, Giovanni da Verrazano. Celui-ci explore la côte nord-est de l’Amérique du Nord, longeant le littoral sud de la péninsule néo-écossaise, du Cap-Breton et de Terre-Neuve. Selon une hypothèse controversée, Verrazano serait le premier à utiliser le terme Acadie pour désigner ce vaste territoire. De 1534 à 1542, Jacques Cartier effectue trois voyages d’exploration dans le golfe et le fleuve Saint-Laurent et établit les premières cartes géographiques de la région, sur lesquelles figure l’Acadie. La France ne revient ensuite en Acadie qu’en 1604, cette fois dans le but d’y fonder un premier établissement permanent. De 1604 à 1608, le cartographe Samuel de Champlain, qui fait partie de la mission, contribue grandement à l’avancement des connaissances sur les territoires de l’Acadie et le long du fleuve Saint-Laurent, dans ce qui deviendra le Canada.

Bien entendu, aucun d’entre eux ne peut déclarer avoir été le premier homme à fouler le sol de ces territoires, puisque les Amérindiens y habitent déjà depuis fort longtemps. Les Souriquois, aujourd’hui nommés les Mi’kmaqs, membres de la Confédération Wabanaki, vivent dans de ce qui est devenu la Nouvelle-Écosse, l’Île-du-Prince-Edouard, la majeure partie du Nouveau-Brunswick et le sud de la péninsule gaspésienne. Pour leur part, les Béothuks se trouvent dans l’île de Terre-Neuve, que fréquentent également les Mi’kmaqs. Les Abénakis et les Malécites occupent le nord du Maine et la vallée du fleuve Saint-Jean, tandis que les Passamaquoddy sont établis dans le sud-est du Maine près de l’île Sainte-Croix.

Le style de vie des Amérindiens est profondément transformé avec l’arrivée des Européens et de leurs missionnaires qui leur demandent de délaisser leurs valeurs spirituelles et culturelles pour se convertir à la religion catholique. Dès les débuts de la colonie, les Amérindiens se révèlent d’importants alliés pour les Français installés en Acadie. Ils leur transmettent de précieux savoirs qui les aident à s’adapter à leur nouvel environnement et à survivre dans des conditions si difficiles.


demons-sieur-color-200L’expédition de Pierre Dugua, sieur de Mons

Le 8 novembre 1603, Pierre Dugua, sieur de Mons, reçoit d’Henri IV, roi de France, le titre de « Lieutenant-général pour le roi, et l’équivalent des pouvoirs d’un vice-roi, sur les pays, côtes et confins de la Cadie », du 40e au 46e degré de latitude Nord, ce qui englobe les territoires allant de Philadelphie jusqu’au Labrador, avec la charge d’y créer des établissements français, ce qui constitue le premier acte royal visant à établir une colonie française en Amérique.

Le sieur de Mons fait équiper deux navires, soit la Bonne-Renommée et le Don-de-Dieu. Samuel de Champlain fait partie du voyage à titre d’explorateur et de cartographe. Comptant aussi une soixantaine de colons en plus des membres d’équipage, les deux navires prennent la mer au début avril 1604.

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L’île Sainte-Croix
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Les Français arrivent au cap de La Hève (près de l’actuel Lunenburg, en Nouvelle-Écosse) au début de mai. En quête d’un lieu où s’installer, ils découvrent différents endroits intéressants (dont Port-Royal), mais décident, le 26 juin, d’établir une habitation dans l’île Sainte-Croix, à la frontière du Maine et du Nouveau-Brunswick. Ils y érigent des bâtiments préfabriqués spécialement apportés de France et y passent un premier hiver.

Soumise aux rigueurs insoupçonnées du climat, éprouvant des difficultés de ravitaillement et affligée par le scorbut, l’expédition subit de lourdes pertes: près de la moitié de ses membres ne survivent pas à l’hiver de 1604-1605.

Lieu historique internationl de l'Île-Sainte-Croix


Port-Royal

Au cours de l’été 1605, de Mons et ses hommes démontent quelques bâtiments et les transportent de l’île Sainte-Croix à Port-Royal, de l’autre côté de la baie Française (baie de Fundy), dont le site semble plus favorable à la création d’une colonie. Les Français restent à Port-Royal jusqu’en 1607, année où l’expédition est contrainte de rentrer en France. Bien que temporairement inoccupé à quelques reprises jusqu’en 1635, Port-Royal deviendra le foyer du peuplement français en Acadie. 

À l’automne de 1606, Champlain fonde l’Ordre du Bon Temps , le premier organisme social en Acadie et en Amérique, afin d’agrémenter les soirées et de mieux tromper l’ennui au cours du long hiver qui s’annonce. À tour de rôle, chaque gentilhomme est chargé du repas et organise la soirée au cours de laquelle on chante et on joue de la musique. Marc Lescarbot, poète et écrivain, y présente la première pièce de théâtre en Amérique du Nord, Le Théâtre de Neptune. Après son retour en France, en 1609, Lescarbot publie Histoire de la Nouvelle-France, premier récit historique ayant trait au futur Canada.

 

Lieu historique national du Canada de Port-Royal


Le territoire s’agrandit

La tentative d’implantation à Port-Royal est suivie d’autres efforts de colonisation française et d’autres hivers éprouvants. En 1608, Champlain est de retour en Nouvelle-France, à la tête d’une expédition chargée de trouver un nouvel emplacement. Il explore le fleuve Saint-Laurent, sur les rives duquel il fonde l’établissement de Québec, à la demande de de Mons.

À compter de 1611, d’autres bateaux partant de France viennent jeter l’ancre en Acadie, mais c’est seulement après 1632 que les premières familles arrivent et que les bases de la colonie sont véritablement jetées.

Les établissements de Port-Royal (1605), de Beaubassin (1672) et de Grand-Pré (1682), dans le bassin des Mines, sont les premiers lieux de peuplement français en Acadie, qui correspond alors essentiellement à la péninsule de la Nouvelle-Écosse. Avant 1660, on trouve néanmoins de petits groupes de colons français dans la vallée du fleuve Saint-Jean, dans l’actuel Nouveau-Brunswick, soit au fort Latour (Saint-Jean) et à Sainte-Anne-des-Pays-Bas (Fredericton). Dès 1662, les Français s’installent également à Plaisance, qu’ils désignent comme la capitale française de Terre-Neuve.

Au cours du 17e siècle, plusieurs communautés religieuses dont les Jésuites, les Récollets et les Capucins se rendent en Acadie. Les missionnaires enseignent la foi chrétienne aux Amérindiens, voient à l’éducation des jeunes colons et offrent une assistance aux habitants à tous les points de vue.


Le travail des colons

Les colons doivent faire preuve d’imagination et de ténacité pour se débrouiller avec les moyens qu’ils ont à leur disposition, car peu de produits sont importés de France. Et ils ont fort à faire pour assurer leur subsistance dans ces terres inhospitalières. Ils doivent déboiser les lots et abattre les arbres pour construire leurs habitations; défricher la terre et assécher les marais au moyen de digues et d’aboiteaux afin de cultiver la terre; pratiquer la chasse et la pêche pour compléter l’alimentation des familles. Néanmoins, ils réussissent à produire tout ce dont ils ont besoin pour survivre au quotidien et, surtout, traverser les longs hivers.

Les femmes assument elles aussi d’importantes tâches pour subvenir aux nombreux besoins des familles, allant de la préparation de la laine et de la fabrication des tissus à la confection des vêtements et des couvertures, en passant par la culture des jardins potagers, la conservation des aliments et ce, malgré les nombreuses grossesses.

Au fil des ans, les colons développent leurs propres façons de vivre en ces lieux et font de l’Acadie un nouveau pays plutôt prospère. Leurs coutumes et leur culture s’adaptent au nouvel environnement, et ils finissent par se reconnaître une identité bien à eux: l’identité acadienne.


Les conflits territoriaux entre la France et l’Angleterre

Le développement de la colonie acadienne se heurte à des problèmes politiques. Les guerres de territoire entre la France et l’Angleterre tiennent pratiquement le peuple acadien en otage pendant des décennies. En effet, de 1604 à 1713, l’Acadie change sept fois de mains entre la France et l’Angleterre.

Toutefois, en 1713, par le traité d’Utrecht, la France cède définitivement l’Acadie (la Nouvelle-Écosse péninsulaire) à l’Angleterre. Elle perd aussi Terre-Neuve et le territoire de la baie d’Hudson, mais conserve l’île Royale (Cap-Breton) et l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard) et maintient des droits de pêche à Terre-Neuve.

Sous le régime anglais, les colons acadiens des territoires conquis vivent dans un climat d’incertitude et d’inquiétude durant les décennies qui suivent. Bien qu’il s’agisse d’une période de paix, les autorités de la colonie, rebaptisée Nova Scotia (Nouvelle-Écosse), veulent leur faire prêter un serment d’allégeance inconditionnel à la Couronne britannique, dans l’éventualité où un nouveau conflit opposerait l’Angleterre à la France. Les Acadiens refusent et optent pour la neutralité. Malgré tout, les établissements de l’ancienne colonie française se développent et prennent de l’expansion, les colons améliorent leur qualité de vie, certaines régions font bon commerce, en particulier avec Boston.


La forteresse de Louisbourg

Après avoir perdu sa colonie acadienne, la France entreprend en 1719, la construction de la forteresse de Louisbourg dans l’île Royale (île du Cap-Breton). Située à l’entrée du golfe du Saint-Laurent, dans un endroit stratégique, Louisbourg doit servir à protéger ce qui reste des possessions françaises en Amérique. Plus qu’une forteresse militaire, Louisbourg devient une ville commerciale de premier plan grâce à son port et compte plusieurs bâtiments, entre autres la chapelle Notre-Dame-des-Anges, l’hôpital des Frères de la Charité de Saint-Jean-de-Dieu et l’école des Sœurs de la Congrégation de Notre-Dame. En 1737, Louisbourg constitue la troisième ville en importance dans les colonies françaises d’Amérique, après Québec et Montréal.



Lieu historique national du Canada de la Forteresse-de-Louisbourg

La Déportation

Toutes ces années de batailles entre la France et l’Angleterre culminent avec la déportation des communautés acadiennes établies principalement dans la Nouvelle-Écosse péninsulaire, qui débute en 1755 pour se poursuivre jusqu’en 1763. Au cours de cette période, hommes, femmes et enfants de descendance française sont forcés de quitter leurs villages. Les trois quarts d’entre euxsont mis sur des bateaux et envoyés vers les 13 colonies anglo-américaines, vers l’Angleterre et, éventuellement, la France. Les maisons sont brûlées et les familles dispersées. C’est une époque de tristesse et de grande misère qu’on surnomme le Grand Dérangement.

Les Acadiens de Port-Royal, de Beaubassin, des Mines et de Grand-Pré sont parmi les premiers à être embarqués sur les bateaux à l’automne de 1755. Puis, les Acadiens des autres régions sont déportés les uns après les autres. Un certain nombre d’entre eux réussissent à s’enfuir et se réfugient dans les bois, où ils restent cachés durant des années, mais encore là, certains sont pourchassés et faits prisonniers. Beaucoup de déportés meurent avant d’avoir trouvé une terre d’asile: certains succombent à la maladie ou en raison des horribles conditions à bord des navires qui les transportent, tandis que d’autres périssent dans des naufrages.

Il est impossible ici de mentionner précisément tous les endroits vers lesquels les Acadiens ont été déportés ou ont dû s’enfuir au cours de ces années. De nombreux Acadiens ont dû reprendre la route à plusieurs reprises, passant par les colonies anglo-américaines ou l’Angleterre pour aboutir en Louisiane, au Québec, en France (Belle-Île-en-Mer, Archigny, Nantes), dans les Antilles (Martinique, Saint-Domingue, Haïti) en Guyane française ou aux îles Malouines.

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1763, le début du long retour

Le traité de Paris, signé en 1763 au terme de la guerre de Sept Ans, marque la capitulation de la France, qui perd ainsi l’essentiel de ce qui lui reste de territoires en Amérique du Nord, y compris la Nouvelle-France et les régions actuelles du Nouveau-Brunswick, de l’Île-du-Prince-Édouard et du Cap-Breton. Le traité permet aux Acadiens de revenir sur les terres de la Nouvelle-Écosse (qui à l’époque comprend aussi le Nouveau-Brunswick et l’Île-du-Prince-Édouard), à condition qu’ils prêtent serment d’allégeance à la Couronne britannique et se dispersent en petits groupes. C’est alors que débute le long retour vers des terres où pratiquement tout est à recommencer.

De partout où ils ont été déportés, des Acadiens reviennent s’établir dans différentes régions de ce qui constitue aujourd’hui les provinces Maritimes. Ils retrouvent ceux qui se sont cachés dans les bois. Ils vont aussi s’installer aux îles de la Madeleine, en Gaspésie, à Terre-Neuve et aux îles Saint-Pierre et Miquelon. Rien n’est au beau fixe, tout reste en mouvance, des familles bougeront encore à l’intérieur de ces territoires et ailleurs dans le but de trouver un endroit où vivre dans les meilleures conditions possibles.


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L’Acadie de la diaspora


Un certain nombre des déportés qui se retrouvent en France repartent pour la Louisiane en 1785, où ils se joignent à d’autres groupes d’Acadiens qui y sont déjà établis. Cependant, de nombreux déportés acadiens décident de rester là où on les a exilés. C’est ainsi qu’on retrouve encore aujourd’hui des descendants d’Acadiens en Nouvelle-Angleterre, en France, au Québec et ailleurs. C’est l’Acadie de la diaspora.


XIXe siècle: la Renaissance acadienne

Jusqu’au milieu du XIXe siècle, la situation socioéconomique des communautés acadiennes demeure précaire. Les Acadiens sont encore éloignés du pouvoir politique et économique, et éparpillés à travers l’Atlantique.

Cependant, l’essor des établissements d’enseignement supérieur qui desservent la population acadienne entraîne l’émergence d’une élite qui commence à militer et à revendiquer plus de droits pour leur collectivité. Le nationalisme acadien prend forme, stimulé par l’apparition des outils de communication que sont les premiers journaux acadiens. C’est l’époque de la Renaissance acadienne.


Les établissements d'enseignement

À partir de 1856, les Sœurs de la Congrégation de Notre-Dame fondent des couvents-écoles à Arichat, en Nouvelle-Écosse; à Miscouche, à Tignish et à Rustico, à l’Île-du-Prince-Édouard; de même qu’à Saint-Louis de Kent et à Caraquet, au Nouveau-Brunswick. Ces couvents-écoles forment des institutrices bilingues pour les écoles acadiennes.

Du côté de l’éducation des garçons, le Collège Saint-Joseph de Memramcook (N.-B.), 
ouvre ses portes en 1864. Plusieurs Acadiens qui seront appelés à jouer un rôle important dans l’avenir de l’Acadie y reçoivent leur formation, dont Pascal Poirier, premier Acadien à accéder au Sénat canadien, ainsi que Placide Gaudet et Pierre-Amand Landry, qui prendront la direction d’associations et d’institutions acadiennes.

En Nouvelle-Écosse, le Collège Sainte-Anne, de Pointe-de-l’Église, accueille ses premiers élèves en 1891 et reçoit l’année suivante l’autorisation de décerner des diplômes universitaires. Le Collège devient l’Université Sainte-Anne en 1977 et est encore aujourd’hui le seul établissement universitaire acadien dans cette province.


Les premiers journaux

En 1867, Israël D. Landry fonde à Shédiac (N.-B.) le premier journal de langue française au Canada atlantique,Le Moniteur acadien. Pour sa part, le journal L’Évangéline, fondé par Valentin Landry, publie son premier numéro en 1887, à Digby (N.-É.). En 1905, le journal déménage pour s’installer à Moncton (N.-B.), ville considérée comme le centre géographique de l’Acadie. L’Évangéline devient un quotidien en 1949, mais devra fermer ses portes en 1982.


La naissance du nationalisme acadien

En 1881, la première Convention nationale acadienne a lieu à Memramcook pour discuter de la situation du peuple acadien et de son avenir. Lors de ce premier grand congrès, on jette les bases de la Société Nationale l’Assomption (maintenant la Société Nationale de l’Acadie). De plus, on choisit Notre-Dame de l’Assomption comme patronne et le 15 août, date de sa fête, comme jour de la Fête nationale de l’Acadie.

En 1884, au cours de la deuxième Convention nationale, tenue à Miscouche (Î.-P.-É.),le tricolore français orné d’une étoile dorée est choisi comme drapeau de l’Acadie, alors que le chant Ave Maris Stella est retenu en guise d’hymne national et que « L’union fait la force » devient la devise nationale.


XXe siècle: l’épanouissement de la collectivité acadienne

Le XXe siècle est celui de l’épanouissement de la collectivité acadienne. Au cours de cette période, les Acadiens mènent avec succès divers combats pour faire reconnaître leurs droits, en particulier les droits linguistiques, et s’assurer une meilleure représentation sur le plan politique. Ils se donnent également les outils nécessaires à leur épanouissement économique et culturel. Dans les dernières décennies du siècle, ils acquièrent progressivement une reconnaissance et un rayonnement sur la scène nationale et internationale.


Les outils de développement économique

En 1903, un groupe d’Acadiens émigrés en Nouvelle-Angleterre fondent, au Massachusetts, la Société mutuelle l’Assomption, dont le président est un Acadien originaire de l’île Madame, en Nouvelle-Écosse. Cette société de secours mutuel veut améliorer les conditions socioéconomiques dans lesquelles vivent les communautés acadiennes. Elle se donne aussi pour mission de protéger ses membres et de défendre leur religion, leur langue et leurs coutumes. En 1910, la Société possède 97 succursales réparties dans les provinces Maritimes et aux États-Unis. En 1913, son siège social est transféré à Moncton. En 1965, la Société mutuelle l’Assomption devient Assomption Vie, compagnie mutuelle d’assurance-vie. Dix ans plus tard, l’entreprise raffermit sa présence dans le milieu des affaires en inaugurant la Place de l’Assomption, le plus imposant complexe immobilier du centre-ville de Moncton, qui abrite son nouveau siège social. Au fil des décennies, Assomption Vie diversifie ses services et continue d’étendre ses activités. De nos jours, elle s’impose comme l’un des principaux piliers de l’économie des communautés acadiennes.

Par ailleurs, les années 30 sont marquées par l’émergence du mouvement coopératif en Acadie. Les caisses populaires se multiplient dans les communautés acadiennes, d’abord dans le nord-est du Nouveau-Brunswick, puis dans le reste de la province et ailleurs. Ces caisses visent à favoriser l’accès à l’épargne et au crédit pour les Acadiens, dont la plupart pratiquent la pêche, l’agriculture ou la coupe du bois. Dès lors, les Caisses populaires acadiennes jouent un rôle déterminant dans l’essor des communautés acadiennes.


Les médias électroniques

Dès 1933, les Acadiens ont accès à une radio de langue française grâce à la station CHNC, qui diffuse à partir de New Carlisle, en Gaspésie. Les émissions de cette station sont captées dans le nord-est du Nouveau-Brunswick, une partie de l’Île-du-Prince-Édouard et du Cap-Breton, et même jusqu’à Terre-Neuve et à Saint-Pierre et Miquelon. Pour leur part, les francophones du nord-ouest du Nouveau-Brunswick voient CJEM s’installer à Edmundston en 1944. Dix ans plus tard, la station de radio CBAF de Radio-Canada entre en onde à Moncton puis, en 1959, c’est au tour de la station de télévision CBAFT. Outre la création d’autres radios privées, des communautés des quatre provinces de l’Atlantique mettent sur pied des radios communautaires dans les années 80 et 90.


L'éducation supérieure

À compter de 1943, les Religieuses de Notre-Dame du Sacré-Cœur offrent, conjointement avec le Collège Saint-Joseph, de Memramcook, un programme de baccalauréat en études classiques pour jeunes filles. Sous la direction de mère Jeanne de Valois, elles ouvrent à Moncton, en 1949, les portes du Collège Notre-Dame d’Acadie, où les filles peuvent en plus suivre des cours de chant et de musique. D’autres collèges classiques voient le jour dans les régions francophones de la province, notamment les collèges Sacré-Cœur et Jésus-Marie dans la Péninsule acadienne et les collèges Saint-Louis et Maillet à Bathurst.

En 1953, le Collège Saint-Joseph est transféré de Memramcook à Moncton et s’affilie aux collèges Notre-Dame et Assomption. Ces établissements donnent lieu en 1963 à la création de l’Université de Moncton, destinée à répondre aux besoins de la population acadienne du Nouveau-Brunswick et des Maritimes en matière d’éducation supérieure et à contribuer à son développement. Les établissements du nord, affiliés à l’Université au moment de sa création, en font partie intégrante à compter de 1977, année de leur restructuration en une seule université à trois constituantes.

Pendant ce temps, le Collège Sainte-Anne poursuit sa mission auprès de la population acadienne de la Nouvelle-Écosse et devient l’Université Sainte-Anne en 1977. Un réseau de collèges communautaires dans les deux langues vient compléter le système d’éducation supérieure au Nouveau-Brunswick dans les années 70. La population acadienne de la Nouvelle-Écosse se dote quant à elle du Collège de l’Acadie, un réseau qui compte plusieurs établissements et qui s’étend bientôt à l’Île-du-Prince-Édouard.


Le pouvoir politique

Les Acadiens du Nouveau-Brunswick, qui comptent pour près du tiers de la population, font une entrée remarquée sur la scène politique provinciale dans les années 60. Dès le début de la décennie, Louis J. Robichaud est élu premier ministre du Nouveau-Brunswick, le premier Acadien à réaliser cet exploit. Reporté au pouvoir en 1963 et en 1967, le gouvernement de Robichaud réalise d’importantes réformes sociales, fiscales et économiques dans le cadre de son programme Chances égales pour tous. Ces réformes visent à réduire les disparités entre les régions du nord (à majorité francophone) et du sud (à majorité anglophone) de la province. Il contribue également à la fondation de l’Université de Moncton et adopte la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick, qui érige le français au rang de langue officielle. À ce jour, le Nouveau-Brunswick est encore la seule province officiellement bilingue du Canada.

En Nouvelle-Écosse et à l’Île-du-Prince-Édouard, les Acadiens et les Acadiennes accélèrent aussi leur intégration à la vie politique de leur province. Un autre Acadien, Bernard Lord, accède à la tête du gouvernement néo-brunswickois en 1997. La présence acadienne se fait également sentir davantage au sein du Parlement canadien et du gouvernement fédéral; plusieurs députés acadiens accèdent même au Cabinet, dont Roméo LeBlanc, qui sera gouverneur général du Canada de 1994 à 1999, exerçant ainsi les plus hautes fonctions au pays.

Dans les années 70, certains Acadiens et Acadiennes forment un parti nationaliste au Nouveau-Brunswick, le Parti acadien, dont l’objectif consiste à scinder le Nouveau-Brunswick pour y créer une province acadienne. Le Parti acadien tente en vain à quelques reprises de faire élire des députés, puis disparaît au milieu des années 80.


Les droits linguistiques

La Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick est suivie de la promulgation en 1981 de la Loi reconnaissant l’égalité des deux communautés linguistiques officielles du Nouveau-Brunswick, dont le principe fondamental est enchâssé dans la Charte canadienne des droits et libertés en 1993. En outre, les francophones des provinces de l’Atlantique comme de l’ensemble du pays obtiennent le droit à des services fédéraux en français avec la promulgation de la Loi sur les langues officielles du Canada à la fin des années 1960. L’adoption de la Charte en 1981 leur confère également de nombreux droits linguistiques, spécialement en ce qui a trait à l’instruction dans la langue de la minorité.

Dans chacune des provinces Maritimes, des membres de communautés acadiennes se mobilisent pour faire valoir ces droits devant les tribunaux du pays ou pour en préciser la portée. Au Nouveau-Brunswick, on réussit à implanter la dualité linguistique au sein du ministère de l’Éducation et à faire reconnaître le droit à des écoles homogènes. Les parents acadiens de la Nouvelle-Écosse s’adressent à la Cour suprême pour que les droits en matière scolaire englobent celui à la gestion des écoles et obtiennent gain de cause. À l’Île-du-Prince-Édouard et ailleurs, des communautés en appellent aussi à la Cour suprême pour forcer le gouvernement provincial à construire des écoles de langue française pour leurs enfants. Ces progrès rejaillissent sur l’ensemble des communautés francophones minoritaires du Canada, qui se voient ainsi confirmés ces mêmes droits.


Le dynamisme économique

Depuis sa fondation, l’Université de Moncton a décerné plus de 36 000 diplômeset la majorité de leurs titulaires ont intégré le marché du travail du Nouveau-Brunswick. Elle a formé notamment des générations de gestionnaires et d’administrateurs dont un grand nombre ont mis sur pied leurs propres entreprises. Les Acadiens investissent ainsi de nombreux secteurs de l’activité économique, et certaines entreprises acadiennes se taillent une place parmi les chefs de file nationaux et internationaux dans leur domaine.

L’essor de l’entrepreneurship chez les Acadiens et les francophones de la province n’est pas que le fruit du travail de l’Université de Moncton. Y contribue également la création en 1979 du Conseil économique du Nouveau-Brunswick, destiné à favoriser les contacts et l’entraide entre les gens d’affaires acadiens et francophones de la province et à leur procurer une voix pour défendre leurs intérêts. L’entrepreneurship acadien insuffle un nouveau dynamisme dans l’économie provinciale, en particulier dans les années 90. La contribution des Acadiens est d’autant plus importante que la croissance de l’emploi durant la décennie est largement attribuable aux PME. L’Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse connaissent également une éclosion de l’esprit d’entreprise au sein de leurs communautés acadiennes.


L'explosion des arts et de l'industrie culturelle

La création de l’Université de Moncton déclenche aussi un mouvement d’effervescence dans le secteur des arts et de la culture. Les artistes s’y rassemblent et y reçoivent une formation leur permettant d’exprimer leur art, leur culture et leurs passions, ce qui conduit à la mise sur pied de maisons d’édition, de compagnies de théâtre, de galeries d’art, de centres d’artistes, etc. La culture et les arts acquièrent le statut de véritable industrie dans les communautés acadiennes au cours des années 1970 et 1980. Les artistes de toutes disciplines projettent de l’Acadie une nouvelle voix et une nouvelle image qui séduisent les publics de tous les horizons.

Ainsi, les artistes de la scène musicale tels qu’Édith Butler, Angèle Arsenault et Ronald Bourgeois se font bientôt entendre partout en Acadie, dans l’ensemble du Canada et outre-mer. Les artistes visuels, dont plusieurs formés par le sculpteur Claude Roussel, exposent leurs œuvres, et certains se bâtissent une renommée nationale et internationale, dont Nérée DeGrâce, Élizabeth LeFort, Yvon Gallant. Le cinéma acadien fait son apparition à l’écran grâce aux œuvres d’abord de Léonard Forest, puis de créateurs tels que Phil Comeau, Anne-Marie Sirois et Paméla Gallant. Les auteurs acadiens tels qu’Herménégilde Chiasson, Melvin Gallant et Germaine Comeau, pour n’en nommer que quelques-uns, publient leurs livres et plusieurs jouissent d’une notoriété enviable. Antonine Maillet, en particulier, amorce une carrière remarquable dans les années 60 puisant abondamment dans l’histoire, la langue et le folklore acadiens. Son célèbre personnage de la Sagouine monte sur les planches à Montréal, interprété par Viola Léger, qui le joue encore de nos jours. En 1979, son roman Pélagie-la-Charrette attire l’attention internationale sur l'Acadie en remportant le prestigieux prix Goncourt.


Un rayonnement national et international

Outre la Société Nationale de l’Acadie, née en 1881, les communautés acadiennes de chaque province de l’Atlantique se dotent de leur propre organisme chargé de les représenter et de défendre leurs intérêts: la Société Saint-Thomas-d’Aquin à l’Île-du-Prince-Édouard dès 1919, la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse en 1967, la Société des Acadiens et Acadiennes du Nouveau-Brunswick en 1973, ainsi que la Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador en 1973.

Les communautés acadiennes participent également aux forums de discussion sur la scène nationale en étant membres de la Fédération des francophones hors Québec, d’ailleurs rebaptisée Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada. Au cours des années 60 et 70, elles resserrent leurs liens avec le Québec et la France par l’entremise de programmes de coopération et d’échanges. Les Acadiens des Maritimes reprennent aussi contact avec leurs cousins cajuns de la Louisiane, descendants des déportés de 1755-1763, permettant à l’«Acadie du Nord» et à l’«Acadie du Sud» de se redécouvrir.

En 1994, des milliers d’Acadiens des quatre coins du monde convergent vers le sud-est du Nouveau- Brunswick dans le cadre du premier Congrès mondial acadien, qui se déroule sous le thème « Les retrouvailles ». Le succès de l’événement est tel qu’on décide de répéter l’expérience en Louisiane en 1999. Le troisième Congrès mondial acadien a eu lieu en 2004 en Nouvelle-Écosse. Le prochain se tiendra dans la Péninsule acadienne en 2009.

En 1977, la collectivité acadienne obtient une reconnaissance internationale lorsque le Nouveau-Brunswick adhère à l’Organisation internationale de la Francophonie. Par la voix du gouvernement néo-brunswickois, elle prend ainsi part pour la première fois à un organisme politique d’envergure internationale et est présente aux divers sommets de la francophonie, qui rassemblent à compter de 1986 les chefs d’État et de gouvernement ayant en commun l’usage du français. La collectivité acadienne bénéficie d’une visibilité inégalée en 1999, alors que le gouvernement du Nouveau-Brunswick accueille le VIIIeSommet de la Francophonie. L’événement, qui se déroule dans le Grand Moncton, permet aux Acadiens et aux Acadiennes d’accueillir les membres de la francophonie internationale et procure au monde une vitrine extraordinaire sur l’identité et la culture acadiennes.


L'Acadie ne connaît pas de frontières

De toute évidence, la tentative visant à éliminer le peuple acadien en 1755 n’a pas réussi. Les Acadiens et les Acadiennes forment encore aujourd’hui des communautés plus dynamiques que jamais en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, à l’Île-du-Prince-Édouard, à Terre-Neuve-et-Labrador et aux Îles-de-la-Madeleine. On trouve aussi au Québec, aux îles Saint-Pierre et Miquelon, en France et, bien sûr, en Louisiane des descendants des déportés ou des réfugiés qui ont conservé leur langue, leur culture et leurs traditions. Tous ensemble, ils constituent ce qu’on appelle aujourd’hui la Grande Acadie.

Source : http://www.snacadie.org