L'histoire de l'Acadie

ARTHUR HACHE, un soldat acadien du North Shore regiment

Arthur Léon Haché est né le 5 février 1924 à Paquetville, dans le nord-est du Nouveau- Brunswick. Il est le troisième d’une famille de dix enfants.

Il n’a pas encore atteint l’adolescence quand il est forcé de quitter l’école après cinq années d’études. A l’instar de la majorité des jeunes de son âge, il doit aller travailler pour aider sa famille à survivre à la grande crise économique qui sévit alors.

Service militaire

Arthur Haché se porte volontaire pour le service militaire le 18 septembre 1941. Il déclare aux recruteurs qu’il a l’âge minimum (18 ans) pour s’enrôler, mais, en réalité, il n’a que 17 ans. Il est « parti joindre l’armée » avec un groupe d’une vingtaine de ses amis de la région.

Après avoir passé l’examen médical, il fait son entraînement de base au camp militaire d’Edmundston, dans le nord-ouest du Nouveau-Brunswick, puis il suit un entraînement plus avancé au camp d’Aldershot, en Nouvelle-Écosse. Unilingue francophone, il doit apprendre l’anglais pour servir son pays puisque presque tout se passait en anglais dans l’armée.

Arthur Haché traverse en Grande-Bretagne en mai 1942 où il rejoint les rangs du régiment North Shore du Nouveau-Brunswick qui est outre-mer depuis la fin juillet 1941. On découvre alors qu’il est trop jeune pour être intégré aux rangs du régiment et il est renvoyé à une unité de renforts. Peu après avoir atteint ses 19 ans, il intègre définitivement le North Shore.

Le matin du 6 juin 1944, il débarque à Saint-Aubin-sur-Mer, en Normandie, avec son régiment qui fait partie de la 3e Division canadienne d’infanterie. C’est l’opération Overlord, le début de la libération de la France et de l’Europe de l’Ouest occupées par les Allemands depuis 1940.

Arthur Haché n’a alors que 20 ans. Il est un des plus jeunes soldats du North Shore.

Quatre semaines plus tard, soit le 4 juillet, il est blessé lors des combats à Carpiquet, près de Caen. Il est évacué vers l’Angleterre où il est hospitalisé pendant quelques semaines. Il rejoint le North Shore à la mi-septembre dans la région de Boulogne-sur-Mer. Les autorités médicales le jugent apte au combat même si la plaie à une jambe, recouverte d’un pansement, suppure toujours.

Avec son régiment, il participe à la bataille de l’Escaut et à la stabilisation du front dans la région de Nimègue, aux Pays-Bas. C’est ici qu’Arthur Haché est à nouveau blessé le 8 janvier 1945. Il est frappé par de nombreux éclats d’obus au visage, au dos et au pied. Il passe plus de quatre heures étendu dans la neige dans un champ avant que les secours n’arrivent.

C’est la fin de la guerre pour lui. Il est évacué vers l’Angleterre et ne retourne jamais au front. Il rentre au Canada à la fin juillet. En descendant du bateau à Montréal, il marche à l’aide d’une canne. Après un examen médical à Fredericton, on l’envoie chez lui, mais il ne peut réintégrer la maison familiale qui est sous quarantaine en raison d’une maladie contagieuse chez les enfants. Il va habiter chez un ami.

Il est démobilisé le 11 septembre 1945. Le service médical de l’armée canadienne lui avait alors dit qu’il restait deux éclats d’obus dans son pied. Pendant plus de 60 ans, les médecins du ministère des Affaires des anciens combattants lui répètent la même information. Toutefois, il y a quelques mois, une nouvelle radiographie pratiquée par un médecin indépendant démontre qu’il n’y a pas deux, mais bien dix éclats dans son pied.

Retour à la vie civile

Peu après sa démobilisation, on lui offre un emploi... cueillir des pommes de terre à l’Île-du- Prince-Édouard. Il refuse puisqu’il marche encore à l’aide d’une canne, pas tellement pratique pour travailler dans les champs. Après quelques mois à Bertrand avec ses amis anciens combattants, il comprend qu’il n’y a pas d’avenir pour lui dans la région et il part pour Montréal en avril 1946.

C’est là qu’il décroche un emploi à la compagnie Northern Electric où il fabrique des fils électriques. Il y travaille pendant 33 ans et prend sa retraite en 1979. Il revient à Bertrand, sa région natale, en 1980.

Décorations militaires et autres

Arthur Léon Haché est fier de porter cinq décorations militaires pour son service au cours de la Seconde Guerre mondiale. Elles sont l’Étoile de 1939-1945, l’Étoile France-Allemagne, la Médaille de la Défense, la Médaille canadienne du volontaire et la Médaille de Guerre 1939-1945. Surtout, le 14 juillet 2011, la France l’a fait chevalier de la Légion d’Honneur

D’autres décorations lui ont aussi été accordées. Elle sont les médailles commémoratives du 50e et du 60e anniversaire du Débarquement, la médaille de Carpiquet et la médaille de l’Assemblée nationale française.

Entretien avec Arthur Haché

«Je suis débarqué en Normandie le 6 juin 1944. Nous ne savions même pas où nous étions. Nous avons eu peur comme c’est pas possible de le dire. Nos compagnons tombaient. Je serai là en Normandie pour le 60e anniversaire du débarquement; je veux me souvenir. Les gens en Normandie nous aiment beaucoup; il y a là une belle chaleur.»

«Nous étions pauvres, c’est à peine si nous savions lire et écrire. Nous pensions nous faire un métier. Nous avions vu passer des officiers au Nouveau-Brunswick et nous les trouvions bien habillés. Un matin de 1942, j’ai dit à maman que j’allais chercher des petites choses à la grocery.

Le lendemain je partais pour la guerre. Je n’ai pas fait la guerre par patriotisme. Je ne savais même pas, à cette époque, si le Canada avait un drapeau. Maman m’a grondé dans ses premières lettres; elle était pleine d’inquiétude. Finalement, les lettres sont devenues plus douces.

Nous sommes partis de l’Angleterre le 4 juin 1944. Nous devions débarquer le lendemain, mais la mer était trop mauvaise. Le 6 juin, il était 8 h 10 du matin, ç’a été la fête, je vous le dis. Durant la nuit, sur le bateau, nous avions eu la messe; nous avons fait nos prières.

Nous ne savions pas ce que nous allions vivre, mais nous nous doutions que ça allait poivrer.

 Les Allemands nous attendaient. Ce fut terrible. Les avions des alliés tombaient devant nous.

Dans les combats qui suivirent j’ai été blessé à deux reprises. Aujourd’hui, lorsque je passe aux douanes, je fais sonner les alarmes parce que j’ai des éclats d’obus dans le corps. Chaque fois, je dois m’expliquer.

Des camarades sont devenus fous sur le champ de bataille. Il y en a qui se sont suicidés, d’autres automutilés parce qu’ils ne savaient plus ce qu’ils faisaient, d’autres aussi qui ont été tués par erreur par les alliés. Puis, il y a eu tous les compagnons tués par les Allemands, qui répondaient aux ordres eux aussi. Je ne sais pas comment je suis sorti de là vivant. Je ne regrette rien cependant. C’est pourquoi j’aime retourner en Normandie.

Il y a parfois des gens qui me disent que nous recevons beaucoup du gouvernement canadien, nous, les vétérans. Je réponds que le premier voyage que j’ai fait en Normandie ne m’a rien coûté en argent, mais mon Dieu que j’ai eu de la misère! Je me souviens des premiers Noël, j’aurais tellement voulu être chez moi, à Bertrand. (interview parue dans l’Acadie Nouvelle »)

Le North Shore regiment du Nouveau-Brunswick

Le Canada déclare la guerre le 10 septembre 1939. Aussitôt, des hommes et des femmes s’engagent . 75% rejoignent l’armée de terre, 12,5% l’aviation, et 6,1% la marine. D’autres servent dans la marine marchande, les forces armées américaines et les Corps auxiliaires féminins.
22 000 soldats de l’armée de terre, 17 000 aviateurs et 2 000 matelots perdront la vie durant les combats. 

Mobilisation du North Shore

A l’automne 1939, on propose au North Shore d’ assurer la défense côtière. Mais le Lt Colonel Leger refuse cette offre. Il espère que le régiment sera inclus dans la brigade.
Le 5 juin 1940, l’unité est incluse dans la 8e brigade de la troisième division canadienne.
Au début de la guerre, ces hommes ont pour tâche de garder des ponts ferroviaires à Derby et Upper Nelson. Lorsque des vétérans leur succèdent, certains de ces homes rejoignent le Carleton Yorks car ils étaient certains que cette unité serait bientôt mobilisée.
En avril 1940, le major Clarke annonce qu’il faudra peut-être un certain temps avant que le North Shore soit appelé. Le North Shore commence cependant a mobilisé et ces hommes sont impatients de partir faire la guerre.

L’unité entière est ensuite regroupée, au mois de juin, à Woodstock, où elle poursuit son en-traînement. Celui-ci se déroule principalement au milieu de la rivière et c’est sur cette île que se crée l’esprit de corps qui caractérise le Régiment du North Shore et lui vaudra ses succès comme unité de combat. L’unité est alors installée dans des immeuble. Les sergents occupent des petits chambres à l’étage. Les hommes, eux, sont parqués un peu comme des moutons au rez de chaussée. 



Souvent, pour se distraire le soir, des hommes se rendent en ville. Comme ils ne peuvent pas rentrer au camps par le pont, où les gardes les auraient remarqués, ils passent par le fleuve dans lequel ils marchent avec leurs bottes aux pieds pour ne pas se blesser. Très rapidement, ils trouvent un gué. Mais celui-ci à l’inconvénient d’arriver devant la tente du prêtre du régiment , le major Hickey, qui possède un saint Bernard qui se met à aboyer. Le Major Hickey organise souvent des distractions. Sous une tente, il installe un piano, trouve quelques violons qui font danser et réchauffent les cœurs. Jour après jour, les hommes y écoutent les deux baritons Bobby Curry et Roy Vautour, ainsi que le doux ténor Jimmy Sproul. Ils leur demandent de chanter leurs airs favoris : « Cockles and Mussel’s » ou « The rose of Traiee »
Le major Hickey et Jim Morell forment également une équipe de base ball qui deviendra la meilleure de l’armée canadienne.

Lorsque le bataillon s’installe à Woodstock, on commence à donner des autorisations de mariage. En revanche, on décide d’interdire l’entrée du camps à toute personne extérieure. Les flâneries en ville sont interdites, les maisons et les pelouses doivent être respectées, chaque homme doit avoir une coupe de cheveux réglementaire. Les visiteurs n’ont accès à l’île que le dimanche. 



En août, d’autres instructions sont données. Nombre d’entre elles concernent la rivière. Il est interdit aux hommes d’y nager, particulièrement la nuit. On interdit toute correspondance avec des étrangers. Le bataillon prend la guerre au sérieux, chaque homme comprend que le North Shore va être lancé dans l’une des plus grandes aventures qui puisse connaître une unité. L’une des grandes qualités du North Shore est l’harmonie qui y règne entre les ethnies qui le composent. Il y a bien une rivalité entre la Compagnie Francophone et les autres, mais c’est sur une base amicale. 
Le 5 décembre, le bataillon se déplace dans le Sussex. Alors que les hommes vivaient entre eux jusque là, ils doivent apprendre à vivre avec 5000 autres soldats.
Le 18 septembre 1940, le roi et la reine inspectent le North Shore
Lorsque le mois de juin arrive, tous les hommes sont bronzés. Le camp bruit de rumeurs annonçant le départ du régiment outre mer.
"C’était un matin de juillet qui serait passé inaperçu si un courrier ne m’avait pas remis une note convoquant tous les officiers chez le colonel Calkin. Nous avons alors compris que quelque chose de très important allait se produire. Le colonel nous annonça que allions partir outre mer. C’est étrange comme sensation. Nous attendions cet ordre depuis longtemps et pourtant cela nous a secoué. Certains ont regardé silencieusement dehors. Nous étions comme les personnages d’un tableau, immobiles, écoutant la voix du colonel".
La Grande Bretagne
La première image de l’Angleterre que découvrent ces hommes est celle de Liverpool détruite par les bombes. Partout, il y avait des bateaux coulés. Leur première pensée, après avoir accosté, était de nous éloigner le plus vite possible des quais. Ils apprennent très rapidement qu’ici les tickets de ravitaillement sont aussi importants que les tickets de train. On leur apprend également à marcher pendant une heure avec un masque à gaz.
En août, les premiers colis commencent à arriver du Canada. Certains reçoivent même des boîtes de conserve de langoustes.



L’entraînement se poursuit avec des marches de nuit par exemple, des cours de chiffre, de lecture de cartes. 
En septembre, le bataillon s’est complètement habitué à ce nouveau mode de vie. Les entraînements se poursuivent, d’importantes quantités d’équipements neufs arrivent. 
En octobre et novembre 1941 les entraînements continuent, dans le vent et le froid : lecture de cartes, patrouilles conférence, etc
Le 29 novembre, le North Shore se déplace à Chapelwood Manor. Le froid et le vent gelé rendent la vie difficile dans le camp.

Mars 1942 arrive, toujours nuageux et pluvieux. Encore des entraînements, des exercices de nuit et de jour.
En mai 1942, l’unité est déplacée une nouvelel fois près de Hailsham. C’est un lieu boueux quand il a plu, et humide même s’il fait beau. 
Le North Shore est chargé de formé le Home Guard composé principalement de vétérans de la Première Guerre Mondiale. Ils prennent leur entraînement très au sérieux et les hommes du North Shore éprouvent beaucoup de respect pour eux. 
L’entraînement du North Shore s’effectue désormais avec l’équipement et le matériel qu’il devra utiliser. Pour la première fois il évolue sous les tirs de balles en étant couvet par un bar-rage d’artillerie
Un autre exercice, « Harold », les conduit à marcher des milles dans une direction pour revenir sur leurs pas , de nuit, en dormant très peu. 
Mi-septembre, tous les officiers de la 8e Brigade sont convoqués par le colonel Churchill. Il leur donne le bilan du débarquement terrible de Dieppe. Le major Général Keller annonce que la 3e division d’infanterie canadienne aura l’honneur de conduire la prochaine opération. , lorsqu’elle sera décidée. . Certains officiers mettent sérieusement en doute les chances de survie d’une telle opération. 
En décembre 1942, les hommes de la compagnie « D », principalement des Canadiens Fran-çais, sont répartis dans les autres compagnies qui avaient conservé jusque là leurs caractéristiques locales . Cela permet d’éliminer en partie la rivalité qui existait entre elles.
Fin janvier 1943, le régiment peut parcourir avec son équipement complet entre 25 et 30 miles par jour. 
En août 1943, le North Shore quitte Hassocks pour Monks Common et reprend un camp des Canadian Scottish.
Le régiment apprend l’utilisation des grenades fumigènes, le franchissement de barbelés 
L’unité est déplacée ensuite à Ardrossan puis Huirsley.
Le 4 octobre, des hommes de tous les rangs sont transférés dans la 1ère Division Canadienne. De nombreux officiers y perdront la vie. 
Le régiment commence a effectuer des exercices de débarquement appelés « Pirates ».
Le 27 octobre, le North Shore est déplacé à Boscombe, la banlieue est de Bournemouth.
L’entraînement est encore plus poussé. Il va falloir percer les défenses allemandes en Europe et le North Shore est l’un des bataillons choisi pour l’assaut.
Différents exercices leur apprennent les techniques de débarquement à partir de barges, de communication par signaux, d’évacuation des blessés, etc . 
En mars le North Shore se déplace à Emsworth et trois semaines plus tard au camp de Chiworth.

 Préparatifs du débarquement

A priori, les hommes embarquent à Southampton ainsi que dans la zone de rassemblement de « Picadilly Circus » sur l’île de Wight

C’est le général Keller qui commande la 3ème division d’infanterie canadienne.
Les objectifs de la 3 ème division d’infanterie canadienne sont :
Objectif YEW première étape
- Enfoncer le mur de l’Atlantique
- Prendre pied. Conformément aux plans, l’assaut s’effectue par deux brigades de front assignées chacune à des secteurs déterminés divisés eux-mêmes en sous-secteurs ainsi établis :
• La 7ème brigade envahit les plages MIKE et NAN-GREEN Grayes sur Mer et Courseulles-sur-Mer
• La 8ème brigade envahit les plages de NAN-WHITE et NAN-RED Bernières sur Mer et Saint Aubin sur Mer désignée sous le nom de code de « Cairo »
Pour ces Canadiens, ce débarquement est une revanche sur celui raté à Dieppe en 1942.
Le succès du plan dépendait dans une très large mesure de l’allure à laquelle pourraient être renforcées les troupes primitivement mises à terre. Il fallait, de toute nécessité, que le rythme d’arrivée de ces renforts dans la tête de pont dépasse celui de l’intervention des renforts alle-mands face à celle-ci.
Les troupes appareillèrent de Southampton, de la Solent et de Spithead.
Le vent n’était pas propice à la traversée vers la France. La Manche était agitée ; des vagues de cinq à six pieds en haute mer rendaient « très difficile la navigation des péniches de débar-quement chargées de troupes et de matériel. Jusque là, l’amélioration prévue par les météoro-logistes ne s’était pas pleinement réalisée. Navires et péniches de débarquement étaient vio-lemment ballottés et de nombreux soldats, et même des marins, étaient dans un piètre état. Mais sauf exceptions d’importance relativement faible, le voyage nocturne se passe comme prévu.
Le 6 juin à l’aube, le temps était maussade. Dans son rapport, l’amiral Ramsay le résume ainsi :
- Vent : Ouest-nord-ouest, vélocité 4 (un appendice au rapport traitait particulièrement 
des assauts et ont u trouve ceci : « Vent d’ouest, vélocité 15 nœuds)
- Mer : Maniable, vagues de 3 à 4 pieds
Ciel : De clair à nuageux, les nuages s’amoncelant 
Le point fortifié des défenses allemandes se situait surtout entre le chemin des Mouliers et la rue Gustave Canet où 2 pièces d’artillerie défendaient la plage : l’une orientée vers la mer, l’autre vers l’intérieur de la ville. Dans l’intervalle, des ouvrages en béton surplombant la mer se trouvaient des mitrailleuses et des mortiers disposés dans les maisons et les hôtels en front de mer.

Le débarquement

L’Assaut proprement dit fût précédé de bombardements d’appareils lourds de la 8e Force Aé-rienne. Malheureusement, en raison du mauvais temps et du souci de ne pas lancer les bombes trop tôt pour ne pas toucher les péniches de débarquement, la majorité d’entre elles tombent trop loin avec pour conséquence de laisser les défenses côtières presque intactes. De bombardements navals de contre-torpilleurs et de bâtiments d’appui ont également lieu afin de nettoyer les plages de leur feu. Les contre-torpilleurs devaient commencer à tirer environ 45 minutes avant l’heure H et ne s’arrêter qu’au moment où les premiers éléments de débarquement prendraient pied sur les plages. Les unités plus petites étaient chargées d’étoffer cers tirs .

 Environ trente minutes avant l’heure H, l’artillerie d’armée automotrice devait ouvrir un feu d’extinction, depuis les péniches de débarquement, de chars où elle était embarquée, chaque régiment prenant à partie un des principaux « nid de résistance » des plages jusqu’à 5 minutes avant l’heure H. Les canons lourds montés sur les péniches de débarquement ouvriraient le feu 35 minutes environ avant l’heure H. Les L.C.T. (fusées) avaient pour mission de déclencher des salves successives, toutes leurs pièces tirant à la fois sur les mêmes objectifs depuis H moins 10 jusqu’à H moins 5. Quant aux L.C.A. (péniches d’assaut), leur rôle consistait à tirer juste avant que l’infanterie prenne pied sur les plages.


Même si les ouvrages défensifs en béton sont malheureusement peu avariés, le feu reste fortement concentré sur tout le front longeant la mer. On indique ainsi que à Saint Aubin sur Mer, « d’une façon générale les immeubles situés le long de la mer ont été détruits dans une proportion de 90% ». C’est-à-dire que les murs ayant été mis en brèche, les cloisons et les planchers se sont effondrés. La destruction a été telle que les immeubles ne pouvaient servir d’ abris aux canardeurs pendant le bombardement, bien qu’ils eussent pu s’y réfugier par la suite. On a estimé que le reste de la ville avait été fortement avariée dans une proportion de 30 à 40%. Les dégâts semblent avoir été causés surtout par le tir d’obus et non par des incendies.


L‘heure H pour le North Shore est fixée à 7H45. mais en raison du mauvais temps elle est finalement reculée à 7H55. C’est dommage car l’eau ayant monté davantage par suite de la marée, il devenait plus difficile d’enlever les obstacles des plages : « Les embarcatnirent le riions atteigvage parmi les obstacles plutôt que devant eux et il n’était pas possible d’enlever les obstacles extérieurs avant la marée descendante » (commodore Oliver). De fait, les obstructions et les mines qui y étaient reliées allaient faire des ravages parmi les embarcations. 
Cependant, si les péniches sont relativement épargnées avant leur arrivée sur la plage, c’est pendant leur séjour sur les plages et peut-être davantage pendant leur manœuvre de retour qu’elles sont le plus gravement atteintes. 
Les objectifs fixés au North Shore sont les suivants : S’emparer de la ville de Saint Aubin, préparer une base d’attaque pour le 48e commando des Royal Marine chargé de prendre Langrune, prendre Tailleville. 
Les premiers soldats débarquent à 8H05 ou 8H10 sur la plage de « Riva Bella » sur un front d’environ 800 m de large. Cette première vague d’assaut se compose de deux compagnies : la A du major J.A. M.C. Naughton à l’ouest de la plage, et la B du major Forbes plus à l’est dans la zone du castel. Très rapidement, ils constatent que l’emplacement fortifié de Saint Aubin « ne semble pas avoir été touché » par le bombardement préliminaire.

La compagnie A

Son objectif est de dégager la plage sur la droite, alors que la compagnie B la dégagera sur la gauche. La compagnie A se heurte ainsi au réseau classique de défense : mitrailleuses, mortiers, mines, barbelés à triples rangées, pièges de toutes sortes. Elle tente de rentrer dans Saint Aubin par la rue du Maréchal Foch en subissant de lourdes pertes. C’est ensuite le combat de maison en maison qui s’avère très difficile dans la mesure où, chaque maison peut défendre la maison voisine et nombre d’entre elles sont minées et entourées de plusieurs rangées de barbelés. Dans toutes ces actions, la compagnie formée de 200 hommes en perd 29 : 9 morts et 20 blessés.

 La compagnie B

Le gros morceau pour la compagnie B consiste à prendre le blockhaus et l’esplanade du castel garnie de mortiers et de mitrailleuses en passant par la route parallèle à la plage. Elle se porte à l’assaut mais rencontre de nombreux obstacles. L’appui des blindés amphibies du Fort Garry Horse est décisif. Ces chars spéciaux réduisent à l’explosif murs antichars et blockhaus. Le journal du bataillon indique que la zone était nettoyée dès 11H15, quatre heures et cinq minutes après le débarquement. Il semble toutefois que le tir isolé n’ait pas alors cessé et l’officier commandant la compagnie « B » déclare que les occupants de l’emplacement ne se sont définitivement rendus qu’à 6 heures du soir.
Le peloton n°6 restera sur place pour nettoyer la place forte allemande, inspecter les maisons et traquer les Allemands qui auraient pu se cacher dans les nombreux souterrains du village.

Les compagnies C et D

Ces deux compagnies débarquent quelque temps après la première vague d’assaut. Elles traversent à leur tour la plage le plus vite possible. Avec d’autres compagnies, elles se retrouvent dans un inextricable encombrement sur la plage : hommes, matériel, véhicules bloqués ou hors d’usage, sous le feu de l’ennemi.

Une fois les hommes à terre, et après avoir fait une brèche dans la digue, un bulldozer commence à nettoyer la plage de ses nombreux obstacles pour préparer l’arrivée des chars du Fort Garry Horsee. La bataille continue avec acharnement. Il y a 16 morts parmi la population, autant de blessés ; 70 maisons en flammes, 400 presque entièrement détruites ; les rapports officiels estiment les pertes des immeubles en front de mer à 90 %. Les francs-tireurs allemands sont à tous les points stratégiques, aux fenêtres et dans les souterrains. 
Les blessés sont allongés contre la digue.

Au soir du 6 juin, 125 hommes du North Shore ont été tués ou blessés.

Le 6 juin 1944, le quotidien « La Presse » à Montréal titre : « Les Canadiens vont revoir la Normandie »

Les soldats Acadiens de l'ïle-du-Prince-Edouard

Les Acadiens de l’Ile-du-Prince-Édouard constituent le plus petit groupe d’Acadiens aux Provinces maritimes.

 C’était aussi le cas au cours de la Seconde Guerre mondiale. On y comptait alors moins de 3000 hommes en âge de servir sous les drapeaux. Tout comme leurs compatriotes acadiens du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse, ils avaient peu d’attachement à l’Europe. Ils ne devaient rien ni à la France, ni à l’Angleterre. La France avait abandonné leurs ancêtres de l’Île Saint-Jean à leur sort au milieu du 18e siècle et l’Angleterre avait procédé à des déportations meurtrières dès 1758.

 En dépit du passé tragique de leurs aïeux, la majorité des jeunes Acadiens de l’Île se sont portés volontaires pour servir le Canada en temps de guerre. Ils ont quitté parents, frères et soeurs, épouses et amis pour s’engager dans une grande aventure dont ils ne connaissaient pas le dénouement. Ils ont servi dans l’armée, l’aviation, la marine et la marine marchande.

 Ils étaient présents dans tous les théâtres d’opération où le Canada a joué un rôle significatif. Ils ont combattu à Hong-Kong, en Ital ie, en France, en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne. Ils ont participé à la Bataille de l’Atlantique et aux bombardements aériens contre l’Allemagne et l’Europe occupée.

Ceux qui ont débarqué en Normandie le 6 juin 1944 se trouvaient principalement dans un régiment de la Nouvelle-Écosse, les North Nova Scotia Highlanders, qui est arrivé à Bernières-sur-Mer au milieu de la matinée. Dix-sept d’entre eux reposent dans les cimetières militaires en Basse Normandie.

 On en retrouve huit à Bény-sur-Mer, six à Bretteville-sur-Laize, un à Ryes et deux sont commémorés sur le Mémorial de Bayeux. Le taux de participation des Acadiens de l’Ile-du-Prince-Édouard est probablement le plus élevé de tous les groups ethniques au Canada.

 Soixante-dix-neuf Acadiens insulaires sont morts pendant leur service, ce qui représente un taux de perte de 2,7 pourcent de leur groupe d’âge alors que celui pour l’ensemble du Canada est de 1,9 pourcent. Plus d’un million des 2,4 millions d’homme canadiens susceptibles de servir ont porté l’uniforme au cours du conflit.

C’est un taux de participation de près de 42 pourcent. Une comparaison des taux de pertes pour l’ensemble du pays et de celui pour les Acadiens de l’Ile permet de postuler qu’environ 60 pourcent de ces derniers ont servi.

 On peut conclure que plus de 1700 des 2950 Acadiens d’âge militaire de l’Île-du-Price-Édouard se sont enrôlés entre 1939 et 1945. Ils étaient presque tous volontaires. Aucun autre groupe au Canada ne peut réclamer un taux de participation aussi élevé. C’est un honneur qui leur revient. Ronald Cormier juin 2009

 

Acadiens de l’Ile-du-Prince-Édouard morts en Normandie pendant la Seconde Guerre mondiale 1


NomRangUnité /régimentMort leOriginaire deSépulture/mémorial

ARSENAULT, Alfred

Soldat

Essex Scottish

27-08-44

Summerside

Bretteville-sur-Laize

ARSENAULT, Joseph Francis

Soldat

North Nova Scotia Highlanders

07-06-44

Tyne Valley

Mémorial de Bayeux 2

ARSENAULT, Joseph Ralph

Caporal suppléant

North Nova Scotia Highlanders

07-06-44

Summerside

Bény-sur-Mer

BABINEAU, Olivier Joseph

Soldat

North Nova Scotia Highlanders

18-07-44

Georgetown

Bény-sur-Mer

BERNARD, Joseph Léo

Caporal suppléant

North Nova Scotia Highlanders

08-07-44

Summerside

Bény-sur-Mer

CASEY, Antoine Anthony 3

Caporal

North Nova Scotia Highlanders

08-07-44

Summerside

Bény-sur-Mer

CHAISSON, Francis Joseph

Artilleur

3e régiment antichat, Artillerie

13-07-44

Tignish

Bény-sur-Mer

DOUCETTE, Alfred John

Soldat

Calgary Highlanders

15-09-44

Ebbsfleet

Ryes (Bazenville)

DOUCETTE, Melvin Joseph

Soldat

Calgary Highlanders

25-07-44

Ebbsfleet

Bretteville-sur-Laize

GALLANT, Anthony Alyre

Soldat

North Nova Scotia Highlanders

07-06-44

Charlottetown

Bény-sur-Mer

GALLANT, Harold Wilfred

Soldat

Essex Scottish

26-08-44

Summerside

Bretteville-sur-Laize

GALLANT, Joseph

Artilleur

2e régiment antichar, Artillerie

28-07-44

Charlottetown

Bretteville-sur-Laize

GALLANT, Joseph François

Soldat

North Nova Scotia Highlanders

08-07-44

Richmond

Bény-sur-Mer

GALLANT, Martin

Soldat

North Nova Scotia Highlanders

07-06-44

Wellington

Bretteville-sur-Laize

GALLANT, Thomas

Caporal suppléant

North Nova Scotia Highlanders

08-07-44

comté de Prince

Bény-sur-Mer

GAUDET, Adrian

Soldat

North Nova Scotia Highlander

25-07-44

St-Nicholas

Mémorial de Bayeux 2

PINEAU, Francis

Soldat

Corps des transmissions

14-08-44

Charlottetown

Bretteville-sur-Laize

1 - Liste compilée par Ronald Cormier à partir des données de la Commission des sépultures de guerre du Commonwealth.

2- Aucune sépulture connue, son nom figure sur le Mémorial de Bayeux.

3- Possiblement une déformation du patronyme Caissie puisqu’un de ses prénoms est Antoine.

Les grands oubliés: Les Acadiens et la Seconde Guerre mondiale

« ... de tous les groupements nationaux qui se distinguent dans l’effort martial du Canada, il n’en est asssurément de plus admirable que le groupement acadien. En un moment où les individus prétendent mesurer leur contribution à la lutte pour la civilisation en raison inverse de leurs griefs nationaux, l’action des Acadiens est réconfortante. Les Acadiens ont répondu à l’appel de la patrie, promptement, pleinement et sans arrière-pensée. »

1 - J. B. Côté, Supplément de la Victoire, L’Évangéline, le 10 mai 1945.

Plus de soixante ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la participation des Acadiens des Provinces Maritimes demeure dans l’ombre. Ils étaient pourtant plus de 22,000 jeunes hommes d’origine acadienne ou française de la région à quitter parents, frères et soeurs, épouses et enfants, fiancées et amis pour se porter au service du Canada en temps de grand besoin national. La très grande majorité d’entre eux l’ont fait volontairement, sans la contrainte de la conscription. Ils étaient tous dans la fleur de l’âge.

Contrairement à leurs concitoyens d’origine anglo-saxone, ils ont peu d’attachement à la France qui a abandonné leurs ancêtres à leur sort ou à l’Angleterre qui a déportés ceux-ci au milieu du 18e siècle.

Les Acadiens ont servi dans l’armée, dans l’aviation, dans la marine et dans la marine marchande. Ils ont combattu dans tous les théâtres de guerre où le Canada était présent : à Hong-Kong, en Italie, en France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, dans l’océan Atlantique et dans les cieux au-dessus de l’Europe. Ils ont servi dans tous les régiments d’infanterie de l’armée canadienne, mais dans les historiques des unités on ne souligne jamais que tel ou tel soldat dont on fait état d’un acte de bravoure était un Acadien. Les exemples abondent dans ces récits.

Près de 750 jeunes Acadiens sont morts pendant leur service, la plupart d’entre eux victimes des combats contre l’ennemi. Ils reposent loin de leur terre natale, dans des cimetières à Hong-Kong, au Japon, en Grande-Bretagne, en Italie, en France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne et ailleurs.

Les jeunes Acadiens qui se sont portés volontaires ont eu à confronter un système militaire qui leur était souvent hostile. La plupart des volontaires du Nouveau-Brunswick étaient unilingues français et ont dû apprendre l’anglais pour intégrer les rangs des régiments de leur province (notamment le North Shore, le Carleton and York et les New Brunswick Rangers). Seuls ceux qui ont servi dans des unités de langue française du Québec ont pu suivre leur entraînement en français.

Les plus instruits ont favorisé l’Aviation royale du Canada qui, au début de la guerre, estimait que les francophones n’avaient pas les compétences techniques pour rejoindre ses rangs. Et, dans la marine, le climat était hostile aux francophones. Il était généralement interdit de parler français sur les bases navales.

A plusieurs reprises au cours de la guerre, des groupes acadiens ont réclamé que le 165e Bataillon, le Bataillon acadien, qui avait été levée pendant la Première Guerre mondiale soit reconstitué. Les Acadiens auraient une unité avec laquelle ils pourraient s’identifier, mais l’état-major de l’armée et le gouvernement canadien ont fait sourde oreille à cette demande. Si ces milliers de jeunes francophones du Nouveau- Brunswick veulent servir leur pays dans des unités locales, ils devront joindre les unités de langue anglaise.

Lorsqu’ils se sont portés volontaires, on leur a fait toutes sortes de promesses. On leur a assuré qu’au retour de la guerre, ils auraient les meilleurs emplois. C’est une promesse que le Canada n’a pas tenu. La plupart de ceux qui n’avaient pas de travail avant de s’enrôler n’en avaient pas plus après leur retour. Des centaines se sont exilés au Québec, en Ontario ou aux États-Unis.

Plusieurs centaines de soldats acadiens ont été blessés au combat. Certains avaient encore besoin de soins lorsqu’ils sont rentrés au Canada. Après avoir confronté l’ennemi sur le champ de bataille, certains ont à affronter les insultes du personnel médical dans les hôpitaux militaires. Par exemple, à l’hôpital de Lancaster, près de St-Jean, au Nouveau-Brunswick, on leur interdisait de parler français entre eux. Les témoignages en ce sens sont nombreux.

A leur retour dans leurs communautés, on a ignoré la plupart d’entre eux. On les a accusé d’avoir passé leur temps à boire de la bière et à courir les jupons en Angleterre. Ceux qui n’avaient pas véçu les combats ne pouvaient pas imaginer les traumatismes causés par le carnage des champs de bataille. La plupart de ceux qui les avaient vécus ont simplement cessé d’en parler.

Ils ont aussi dû faire face au dédain d’une partie de leurs concitoyens anglophones qui les accusait de ne pas avoir fait leur devoir en temps de guerre. Même si près de la moitié des jeunes Acadiens d’âge militaire se sont enrôlés, c’est une accusation mensongère qui a survécue jusqu’à la fin des années 1980.

A la fin de la guerre, un jeune officier acadien posté outre-mer, Alexandre-J. Savoie, écrivait ce qui suit dans le journal L’Évangéline : « Les nôtres n’ont pas eu peur de combattre pour la sainte cause de la démocratie; ils n’ont pas craint de sacrifier leur vie, de quitter épouses et enfants, pères et mères, fiancées et fiancés, etc., pour la cause de l’humanité : la liberté dans le monde. Nous ne demandons pas une récompense à nos efforts, nous nous réjouissons d’avoir contribué à la victoire finale. Ce que nous ne voulons pas, c’est d’avoir à faire une guerre contre notre gouvernement pour nos propres droits. »2 (le 24 mai 1945)

Ce n’est qu’un quart de siècle plus tard qu’ils commencent à obtenir les mêmes droits que leurs concitoyens anglophones... écoles francophones, procès dans leur langue, etc.

Aujourd’hui, aucun monument ne marque le sacrifice de toute une génération de jeunes Acadiens pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans plusieurs milieux dit bilingues, les cérémonies commémoratives du 11 novembre se déroulent en anglais la plupart du temps même si on retrouve bon nombre d’Acadiens dans les rangs des anciens combattants qui y assistent.

Même de nos jours, les Acadiens demeurent les grands oubliés de la Seconde Guerre mondiale.

Ronald Cormier le 21 mai 2009

1- Ronald Cormier, Les Acadiens et la Seconde Guerre mondiale, Les Éditions d’Acadie, 1996, p. 103
2- Ibid, p. 110.